Il y avait déjà, comme profondément ancré en moi, ce désir de courses, de compétitions, tout comme pour le petit vélo à la vitrine du magasin de bicyclettes quelques années plus tôt.
Dès 1953, papa installa une très grande antenne, à treize mètres au dessus du toit et nous reçûmes la télévision. Inutile de vous dire qu’à l’époque cela ne passa pas inaperçu dans nos campagnes, d’autant que le récepteur fonctionnait souvent dans le magasin et provoquait alors l’attroupement des badauds. Ce n’était certes pas la télévision couleur, la « neige » était souvent au rendez-
Pour moi qui n’avais alors que sept ans cela revêtait bien quelque importance d’être le seul en classe à regarder « Trente six chandelles », la « Piste aux Etoiles » ou la « Vie des Animaux », mais je ne crois pas que j’en tirais un réel orgueil envers mes petits camarades. Si cela avait été, il me semble que mes résultats scolaires auraient rapidement suffît à me ramener sur terre. Je ne veux pas dire par-
Nous nous entendions bien tous les trois, Colette, Jean Claude et moi. Nous n’étions certes pas des enfants modèles, car nous nous querellions bien parfois, mais nous nous aimions beaucoup l'un l’autre. Nous ne supportions pas que l’un de nous soit frustré par rapport aux deux autres et cela allait souvent jusqu’aux plus petits détails. Si l’un avait reçu un bonbon sans les autres, nous le partagions en trois. Rassurez-
Dans le domaine spirituel, nous n’étions peut-
A l’entrée du cœur de l'église, face à une très imposante représentation de la vierge Marie tenant Jésus dans les bras, sa statue était là, tout aussi imposante, une paire de tenailles à la main droite. Elle était priée par les fidèles pour les guérisons dentaires, et reconnue « patronne du village ».
Il faut dire qu’à cette époque, nous en avions tous un énorme besoin, mais là encore nous y reviendrons.
Par ce petit travail, ce brave curé avait su appliquer la charité sans blesser, et comme il disposait d’un très grand jardin pour lui tout seul, il en avait proposé les trois quarts à mes parents. Ce jardin surplombait de plusieurs mètres notre toute petite cour et quelques dépendances, ce qui permettait d’y accéder directement à l’aide d’échelles et de chemins de bois placés sur les toits.
Permettez-
Ce fut à cette époque que commença de se poser pour eux, le gros problème de l’éducation secondaire de leurs enfants. Notre village était situé à quatorze kilomètres de la première ville, Nogent le Rotrou, où ma sœur aurait pu entrer pensionnaire en classe de sixième. Il n’était pas encore question de ramassages scolaires à cette époque, et comme les artisans ne pouvaient prétendre à l’obtention de bourses d’études, devant la difficulté financière que cela représentait, le problème fut remis à plus tard.
Vers cette même période, mes parents n’ayant pas les moyens de m’offrir un train électrique, je commençai pour ma part d’en construire un en contreplaqué. Je puisai mes inspirations dans un véritable trésor pour le bricoleur en herbe que j'étais alors, une imposante pile de vieilles revues « Système D » placée au fond du grenier. Si je cite ce train, c'est qu'il fut pour moi il me semble, mon premier échec marquant. Très vite en effet, la réalisation tomba à l'eau. Je ne crois d'ailleurs pas qu'elle dura plus de quelques jours, mais elle m'apprit néanmoins beaucoup.
Je réalise effectivement en écrivant, que cette expérience me servit souvent de référence inconsciente par la ensuite, pour évaluer ma motivation dans ce que j'allais entreprendre. Bien vite j'évoluai vers les « constructions navales » qui me motivaient beaucoup plus. Pour que mes rêves aient un minimum de réalité, il fallait absolument que ces embarcations puissent naviguer. Une maquette eut été pour moi un bateau mort et j'aimais déjà beaucoup trop vivre, pour me perdre dans des rêves abstraits. Non, il fallait du véritable qui bouge, qui navigue. Imaginez un peu, même dormir me donnait l'impression de perdre du temps, de mourir un peu. J'aurai déjà voulu pouvoir tout faire, aussi bien le tour du monde sur mes bateaux, que construire une niche pour notre chien Zamba, avec salon, WC, salle de bain. J’avais toujours besoin d’occupations, et quand je ne savais plus quoi faire, maman ou Colette n’étaient jamais à court d’idées. C’est ainsi que j'appris à coudre, à faire des pompons, à broder, à tricoter, à faire des pâtisseries, la cuisine, mais aussi réparer les boîtiers de piles ou les fers à repasser des clients. J’implantais sur des planchettes de petites installations électriques comme des prises de courant, des éclairages simple allumage, voir même des va-
A l'école par contre les choses n'allaient pas tarder à se gâter pour moi. Vers neuf dix ans, je commençai d'éprouver de grosses difficultés en orthographe, qui n'allaient pas tarder à devenir de très grosses, puis d'énormes difficultés les années suivantes.
Si j'y réfléchis aujourd'hui, je crois que le blocage que j'allais éprouver sur cette période, prenait sa source dans l'image que j'avais alors de mon frère et ma sœur. Ils étaient tous deux des cerveaux que je n'étais pas, surtout Jean Claude. J'avais peur il me semble, de décevoir mes parents, ne pas être à la hauteur de la famille, et pour masquer cette insuffisance j’allais entrer dans un cercle infernal. Devant autant d'incapacité me semblait-
Dans les premiers temps maman s’apitoya sur mon sort et me garda le matin à la maison. L’après-
Je passai toutes les petites souffrances en revue, la toux, les maux de gorge ou de tête, mais très vite il me fallut varier, alors j’eus mal au ventre. Cela me semblait plus facile à maîtriser. Je n’étais pas si sot me semblait-
Je n’avais eu aucun mérite de comédien, j’étais et suis resté tellement chatouilleux, que le sursaut avait été plus que naturel, seul le son émis était de la simulation. Elle n’y avait absolument rien vu, et le diagnostique était tombé, celui que j'avais choisi, j’avais mal au foie. Je ne vous dirai pas tous les médicaments que je pus alors avaler tant ils furent nombreux, ni les régimes que je pus faire. Plus la contrainte était grande, plus je la surmontais facilement et heureux de le faire. Cela apportait de l'eau à mon moulin, puisque je prouvais ainsi mon aspiration à la guérison. Il n'y eut toutefois qu’une chose que je ne pus jamais très bien faire, ce fut me passer de vivre. Je viens de vous le dire il y a quelques lignes, dormir ou simplement être au lit, était selon moi mourir plus qu’un peu. Pour compenser mon ennui, mes parents m’achetèrent des découpages en carton ou d’autres futilités de ce genre, qui coûtaient relativement cher à cette époque. Pour eux qui commençaient d’éprouver quelques difficultés financières, ils dépensèrent de la sorte, une petite fortune pour me distraire.
Quel égoïsme ai-
Le plus mauvais souvenir de cette dégringolade, fut pourtant le jour où je dus m'abaisser à copier sur l'un de mes camarades. Je dis bien m’abaisser, car pour moi cela avait alors représenté le comble de la déchéance. L'instant d'avant je n'avais plus su écrire « dans ». Chaque fois que je butais sur un mot, il me fallait faire vite pour ne pas perdre le fil de la dictée.
Comme à l’accoutumée, je passai donc rapidement par toutes les solutions « d'en, dent, d'an, den, dan, ... » et devant le désespoir que me procura sur l’instant l'idée de la moquerie de l’instituteur et le rire de mes petits camarades qui n'allaient pas manquer d’éclater lors de la correction, je plongeai dans la boue du péché, le comble de la honte, je « COPIAI ». Ne croyez pas que j'exagère la chose, je le vécus alors ainsi.
J'avais mis le doigt dans un engrenage infernal, car la « maladie » ayant été quelque peu découverte, il me fallut vite trouver quelque chose de plus extravagant pour être plus persuasif : Je passai donc aux hallucinations. Arrivé à cette dimension, je me ressenti toutefois acculé dans mes derniers retranchements.
La main de Dieu fut heureusement là pour calmer les larmes de maman à mon sujet, car un réconfort allait lui être apporté. Un représentant de commerce dont l’épouse avait été guérie d’une déprime par un acuponcteur/ostéopathe, lui indiqua l'adresse de celui-
Je ne sais pas si ce furent les deux séances d’acuponcture ou le fait de ne plus pouvoir reculer qui m’apporta la guérison, mais quand le jour de l’orthographe revint, je partis tout guilleret en classe. J’étais semblait-
Pendant toute cette période, mes expériences « navales » avaient été bon train. Après un « sous-
Dans le dédale de mes occupations, il y en avait une que j'avais quelque peu oublié, c'était l'aide que nous apportions à nos parents sur les chantiers.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, je n’ai effectivement pas dit « mon père », mais « mes parents ». Durant les premières années d’activité de leur entreprise, ils avaient pris un apprenti pour aider papa, puis l'offre étant vite devenue trop grande, ils avaient dû embaucher un, puis deux ouvriers pour faire face à la demande. Une heureuse progression aurait pu être envisagée, mais le phénomène d’impayé avait crû dans les mêmes proportions, multipliant par-
La progression avait duré sept ans et les majorations allaient tomber. Elles allaient tomber comme le couperet de la guillotine, mais à la vitesse à laquelle sonne le glas. Il allait en mettre du temps à descendre ce couperet, mais alors que sont mouvement fut amorcé, impassiblement il marqua le début d'une longue agonie.
Maman qui n’avait rien perdu de sa combativité de jeunesse, allait ainsi s’investir durant de nombreuses années sur les chantiers d'électricité ou de plomberie au côté de papa, pour remplacer l’ouvrier devenu trop cher. Jean Claude et moi, nous investîmes également à la tâche. Mon frère étant de deux ans mon aîné, était aussi plus efficace, et tout comme maman il faisait plutôt les perçages de mur, les scellements ou autres choses de ce genre. Moi, souvent comme un jeu, je posais les prises de courant et les interrupteurs. Chacun faisait ce qui était à son niveau. Colette qui avait reçu son certificat d'études première du canton, suivait des cours par correspondance en vue du BEPC, et parallèlement recevait les clients au magasin. Chacun y mettait ce qu’il pouvait pour sauver le bateau.
Dans un autre type d’activités journalières, nous avions également la visite à la ferme voisine pour s’y approvisionner en lait. Selon l'humeur du moment, c’était soit la promenade, soit la corvée. Une seule chose restait toujours égale cependant, c’était la cueillette des pissenlits ou la coupe de l’herbe aux lapins, ça, c’était toujours aussi ennuyeux quel que soit le jour. Le jardinage, n’était pas non plus mon fort dans le jardin des parents. Dans le mien qui ne devait pas dépasser cinq à six mètres carrés, c’était plus amusant et surtout moins fatiguant. A l'automne, pour protéger les salades d’hiver nous allions également ramasser des feuilles mortes dans les bois voisins. Cette noble tâche, n’allait cependant pas rester pour nous un sujet très glorieux. Il était vite devenu pour Jean-
Je vous le disais il y a quelques lignes, maman travaillait sur les chantiers avec papa. De ce fait, quand nous étions tous trois à la maison, nous servions souvent chacun notre tour au magasin. Bien évidemment, il nous fallait pour cela rendre la monnaie, alors quand le jeudi arrivait, pièce par pièce, nous subtilisions dans la caisse. Il ne fallait pas y aller trop vite, car la caisse n’était jamais bien remplie et la sottise se serait vite découverte, mais nous étions « persévérants » dans notre fourberie, nous y retournions souvent dans la même journée. Plusieurs fois nous fîmes ainsi, jusqu'au jour où, je ne sais plus lequel des deux, voulu faire un feu d'artifice de la boite d'allumettes encore presque pleine, et se fit griller les sourcils par l’embrasement que cela produisit. Nous nous enfonçâmes alors dans un mensonge pas possible, du style avoir trouvé cette boîte d’allumette encore pleine. Je pense que personne ne fut jamais véritablement dupe, mais nos parents firent semblant de nous croire, nous estimant suffisamment punis par nous-
A l’opposé de ce que nous enflammions les allumettes, papa éteignait le feu. En effet, depuis notre arrivée dans le village, il était devenu pompier bénévole. De temps à autre, nous assistions à l’entraînement de l’équipe le dimanche matin, mais aussi parfois lorsque nous grandîmes un peu, nous nous glissâmes dans la voiture lors de départs sur des lieux d'incendies de cheminée. C’est ainsi que nous assistâmes une nuit d'orage, à la dévastation de toute un corps de ferme, dont je garde une grande notion du danger que le feu représente, sans pour autant le craindre.
Chaque année, comme beaucoup d'associations le font, cette amicale des sapeurs pompiers, organisait quelques bals, et plus particulièrement une petite représentation théâtrale, tout comme les écoles pour la remise des prix et monsieur le curé pour Noël. Il y avait également les fêtes communales voisines, les comices agricoles, et un important besoin de sonorisation s'était très vite fait ressentir. En complément de ses diverses activités artisanales, papa avait donc saisi cette opportunité de marché et s'était construit tout un matériel sono complet : Ampli, enceintes, micros, câbles de liaison, disques 78 tours,... etc. Vers les années cinquante huit, il sonorisa même un orchestre que nous suivîmes chaque semaine. Vous pensez bien que nous aimions cela par-
Nous étions heureux de toutes ces sorties que beaucoup d'autres n'avaient pas et je ne veux pas dire que pour ma part, je n'en éprouvais pas une légère impression de supériorité.
Nous en étions parfois doublement heureux quand il nous arrivait cette aubaine, qu'à la valse finale, nos parents nous proposent cette surprise inespérée de partir directement sur les côtes normandes pour y ramasser des coques. Ces jours là, ou plus exactement ces petits matins là, je peux vous assurer qu'il n'y avait pas de fainéant pour ranger le matériel de sono. Le dimanche nous étions bien sûr tous en forme, mais le lundi, même si parfois nous avions de bien petits yeux pour aller en classe, aucun ne se plaignait ni ne le laissait transparaître.
Une fois mes problèmes d'orthographe réglés, ma scolarité redevint normale et sans problème majeur. Pour Jean-
A chaque jour suffit sa peine, moi, je n'en étais qu'à ma communion solennelle.
Je n'eus pas la chance de faire ma retraite de communion avec ce brave curé, dont nous avons déjà beaucoup parlé. Il avait été trop direct avec la classe bourgeoise du village pour être apprécié de tous. C'est ainsi ! Il est souvent difficile de plaire à tous pour celui qui veut rester dans la vérité. Il en avait alors fait la triste expérience. J'eus donc pour ma retraite de communion, un jeune abbé assez gentil, conduit par un curé de petite taille, au nez effilé et aux paroles cinglantes. Fort heureusement, ce ne fut pas une préoccupation majeure pour moi. Je fis en effet ma communion avec foi et vérité devant Dieu et ce fut bien là pour moi le principal. Je n'étais certes pas désintéressé des traditionnels cadeaux, pas plus que du repas et de la famille qui nous entourait, mais mon meilleur souvenir de ce moment reste la sincérité avec laquelle je m'avançai ce jour là vers l'autel.
Chemin faisant, l'année suivante, je continuai d'aller régulièrement à la messe. Si je ne pouvais pas aller à celle de dix heures trente, j'allais à celle de neuf heures. Souvent même, je prenais mon vélo qui ne me quittait jamais, sauf pour enfiler mes patins à roulette, et j'allais à la messe dans l'un des villages voisins. Dans l'un d'eux, un très vieux curé qui était réputé pour sa gentillesse, y officiait encore. Il est vrai que pour le cœur d'un enfant, il est important de trouver en l'homme de Dieu, l'Amour de Christ.
Cette année là, je passai donc ma vie spirituelle, un dimanche dans une église, un dimanche dans une autre, et tout comme Colette et Jean Claude l'avaient fait avant moi, à mes treize ans je renouvelai cette prise de position devant Dieu, qu'est la communion solennelle.
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